Ana_Daks
3 min readMay 23, 2022

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C’est un fait mondial : les hommes maltraitent les femmes sur Twitter (et ça risque d’empirer).

Cette déclaration est appuyée par deux études d’Amnesty International (2018), mais aussi par le réseau social lui-même. En effet, les déclarations des PDG de Twitter s’enchaînent, d’année en année, pour reconnaître l’inefficacité de la plateforme pour contenir les propos abusifs. En 2015, Dick Costolo, ancien PDG de Twitter, admet :

“Nous sommes nul·les pour ce qui est de gérer les abus et les trolls sur la plateforme, et ce depuis des années… Nous perdons des utilisateurices de base les un·es après les autres en ne traitant pas les simples problèmes de trolls auxquels ielles sont confrontés chaque jour. J’ai franchement honte de la façon dont nous avons traité ce problème pendant mon mandat de PDG. C’est absurde. Il n’y a aucune excuse à cela”.

En 2017, Jack Dorsey est le PDG, et il déclare :

“Nous voyons des voix réduites au silence sur Twitter tous les jours. Nous nous efforçons de contrecarrer cela depuis 2 ans… Nous avons donné la priorité à ce sujet en 2016. Nous avons mis à jour nos politiques et augmenté la taille de nos équipes. Ce n’était pas suffisant.”

Twitter se présente comme un endroit où chaque voix a le pouvoir d’avoir un impact sur le monde, mais Amnesty souligne que la violence subie par les femmes impacte grandement leur comportement à travers de l’auto-censure, une diminution de leurs interactions, voire la fermeture de leur compte. L’ONG conclut que Twitter peut être une plateforme toxique pour les femmes, et que le manque d’actions efficaces de la plateforme a comme résultat que les femmes ne peuvent pas s’exprimer librement.

La volonté de modérer plus fermement s’effondre face à 44 milliards de dollars

Si Twitter reconnaît ses tords et que sa volonté d’amélioration est claire, celle-ci se verra peut-être bientôt réduite à néant. En effet, le réseau social est sur le point de prendre un tournant : en avril 2022, Elon Musk propose de racheter la totalité des parts de la boîte. Cette offre a été motivée, d’après le milliardaire, par l’envie de privatiser entièrement l’entreprise pour améliorer la liberté d’expression possible sur la plateforme.

Cela comprend un adoucissement des règles de modération, dont celles qui avaient été mises en place pour canaliser les hommes qui harcèlent.

Cette annonce a eu des effets immédiats :
🤖 Mastodon, une alternative open-source avec des règles de modération plus fermes que Twitter, a vu un pic de 30 000 nouveaulles utilisateurices en quelques heures à peine.

🌈 Des activistes LGBTQ+ ont exprimé leur inquiétude d’une augmentation du harcèlement en ligne.

📈 The Verge a analysé des données de médias sociaux durant les quelques jours qui ont suivi l’annonce, et constate que les abonné·es des comptes de droite ont vu leur nombre augmenter dix fois plus vite que le mois précédant l’achat. Bien sûr, la corrélation entre l’achat de Musk et ces constats en termes de changement d’abonné·es n’équivaut pas à une causalité. Cependant, l’hypothèse émise par cette analyse me paraît probable, I mean… regardez-moi cette courbe:

(Source : Faife, 2022)

Cette même conclusion a été tirée par Alex Hern, journaliste de The Guardian, qui a publié un article concernant le départ d’utilisateurices de gauche après l’annonce de Musk.

Twitter est donc au seuil d’un changement qui pourrait s’avérer important, mais dont les conséquences ne peuvent pas encore être étudiées en profondeur : le milliardaire n’aura pas la main sur le management avant plusieurs mois, et cela, si tout se passe comme prévu lors de la finalisation de l’achat (ce qui n’est pas gagné). Cependant, il n’est pas exagéré de supposer que ce tournant transformera cette plateforme déjà auto-proclamée imparfaite en un enfer virtuel pour les femmes.

Welcome to hell 🙃

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