“C’est possible de faire le master d’études de genre en travaillant ?”

Ana_Daks
6 min readMar 23, 2021

Chaque année, je suis contactée par une personne qui hésite à faire le master de spécialisation en études de genre et s’interroge sur les difficultés à le combiner avec son travail. Je répète ici ce que j’ai déjà dit autour d’un café, ou par téléphone.

Travailler & étudier : le combo de l’enfer

Je ne vais pas embellir l’affaire. De mon côté, la gestion d’entreprise à temps plein+ le master, ça a été très pesant au début.

Voici ce qui m’a aidée à combiner ces deux activités :

  • Définir clairement ma priorité 🎯
    Pour moi, ça allait toujours être mon travail, qui me prend en moyenne 45h/semaine. Cela m’a permis de déculpabiliser si je ne passais pas un examen ou ne rendait pas un travail, soit à cause d’un contre-temps professionnel soit car mon job a épuisé mon énergie productive : c’est normal, c’est ma priorité, c’est le deal.
  • Ne pas sacrifier mes vacances 🎢
    Lors de ma première année, j’ai passé plusieurs cours sans soucis car j’ai pris des jours de congé pour mes blocus. Mais cela m’a épuisée. Depuis, je ne passe que les examens que j’ai eu le temps d’étudier petit à petit, et je ne prévois pas de blocus, car je travaille d’arrache-pied et j’ai besoin de vraies pauses (et on a beau adorer Butler, c’est pas super relaxant de la lire).
  • Etudier le matin ☕ ️
    J’ai commencé par étudier le soir, les weekends, ou la nuit. Mais cette année, j’ai emprunté un livre super agaçant qui s’appelle Miracle Morning. Il encourage à se lever très tôt le matin pour entamer sa journée avec l’activité de développement personnel de son choix. Je ne suis pas du matin, l’auteur m’a énervé avec son positivisme exacerbé, mais étrangement, au bout d’un mois, j’arrive à le faire 2-3 fois/semaine sans trop de difficultés. Alors j’ai un peu honte car j’ai cyniquement levé les yeux au ciel pendant toute la lecture, mais au final, je recommande le bouquin 🙈. En étudiant très tôt le matin, mes études ont cessé d’impacter ma vie sociale (qui est le socle de mon bien-être mental 🧘🏻).
  • Me décomplexer de l’échec 🤷‍♀️
    Je n’étudie plus par besoin, mais par envie. C’est un énorme privilège, et pourtant j’ai mis du temps à accepter que rien ne presse. Arrivée à ma troisième année d’étalement, l’échec académique ne m’effraye plus, j’ai mis mon égo de côté et j’avance au rythme qui me convient. C’est pour moi le seul moyen viable de continuer à agencer études universitaires & carrière.
  • La solidarité et la bienveillance 💜
    Nous sommes beaucoup à faire ce master en étalement tout en ayant un travail prenant. Il y beaucoup d’entraide entre étudiant·es, et les professeur·es sont souvent compréhensif·ves.

Un étalement sur combien de temps ?

Je ne sais pas estimer le temps de travail de chacun·e. Personnellement, je refuse de sacrifier ma vie professionnelle, amicale ou familiale. Donc faire le master en un ou deux ans, c’était un no-go pour moi 🙅‍♀️. Cela ne veut pas dire que ce n’est pas possible pour d’autres ! En travaillant à mi-temps ou en bénéficiant du congé-éducation par exemple, c’est certainement bien plus rapide.

Il y a une année où j’ai littéralement pris un seul cours par quadri. Je publie mon planning au cas où ça peut te décomplexer d’étaler un max ! 🙌

Yep, j’en ai encore pour quelques années avant de finir ce master d’un an 🙃

Quelle est la charge de travail ?

C’est un master de 60 crédits, donc une année à temps plein. Tous les cours sont à 5 crédits, et 1 crédit est supposé représenter 30h d’apprentissage au total. Si, comme moi, tu te tapes des crises existentielles en pleine lecture, tu ne résistes pas à l’appel de la fête ou ton job a parfois des heures supplémentaires inattendues, 30h/crédit n’est pas toujours une estimation réaliste. Surtout qu’on sait bien qu’il y a des cours bien plus chargés que d’autres malgré une quantité d’ECTS équivalents. Et si on étudie par envie, ça vaut le coup de lire les lectures suggérées, d’approfondir ce qui nous intéresse, de prendre le temps.

Alors la meilleure manière d’organiser son planning est de demander à plusieurs personnes qui ont fait ces études leur ressenti sur la charge de travail de chaque cours, afin d’éviter plusieurs énormes cours au même moment. Il y a un groupe Facebook qui est créé pour chaque promotion, et il y aura toujours quelqu’un·e pour répondre à ce type de questions.

Quels horaires ?

L’éducation permanente en Belgique est très peu développée. J’ai beaucoup cherché, et ce n’est qu’en dehors du milieu académique que j’ai trouvé des horaires décalés pour ce type de formation. Ici, les cours ont donc lieu en journée 👎🏻. Moi j’enregistre les cours et je les écoute plus tard ou, si l’horaire le permet, j’y assiste et je rattrape mes heures de travail ensuite.

Il y a 6 cours obligatoires qui ont lieu tous les vendredis à l’Académie Royale de Bruxelles, et trois cours à option dont le lieu et les horaires dépendent de l’université partenaire. Comme c’est un master co-diplomé, les cours peuvent avoir lieu à Liège, à Namur, à Louvain-la-Neuve, …. J’ai dû choisir certaines options en fonction de ce qui convenait à mon horaire pro. Cela aurait pu me frustrer, mais encore une fois, si les priorités sont claires dès le début, les compromis sont faciles.

Comment ça se passe financièrement ? 💰

Je dois payer le minerval complet lors de mon année diplômante, mais sinon, je paye un pourcentage en fonction de la quantité de crédits auxquels je suis inscrite.

Pourquoi faire ce master ?

Ce master, j’en ai rêvé. J’en ai rêvé à 20 ans quand je me suis échappée en Erasmus pour avoir enfin accès à un cours de “gender” (que je ne savais même pas comment traduire en français) car j’étouffais dans un milieu qui ne s’intéressait pas au féminisme. Quand il est soudainement apparu en Belgique, alors que je bossais, j’ai failli tout lâcher pour m’y inscrire. Mais ma situation financière à l’époque ne l’aurait simplement pas permis. Un peu plus tard, j’avais mon travail actuel que j’adore et qu’il était hors de question que je quitte. Mais comme je portais encore la frustration de ne pas avoir étudié un sujet qui me passionnait, j’ai mis en place ce compromis d’étalement.

Je ne le regrette pas. Comme partout, il y a des super cours et d’autres qui ne me parlent pas du tout. Mais globalement, j’en suis très satisfaite. La liste de cours à option est longue, ce qui en fait un master diversifié. Ça m’a donné la discipline de lire des textes classiques que j’avais “prévu” de lire depuis des années (mais je n’aurais concrètement jamais pris le temps de le faire sans un cadre académique) tout en étant accompagnée par des personnes super calées en la matière.

Maintenant, est-ce qu’il faut faire ce master pour être spécialiste en questions de genre ? A mon sens, non. Le savoir académique n’est pas l’unique manière d’acquérir de l’expertise. Ou du moins, il ne devrait pas l’être. Je pense que ça peut être un atout compétitif sur le marché de l’emploi, mais honnêtement, c’est vite compensé par de l’expérience.

In fine, je recommande de faire le master si les descriptifs des cours te motivent et que le sujet t’enthousiasme 🙌, mais autrement, quand on travaille, je ne suis pas sûre que ce soit un bon retour sur investissement. Mais c’est mon opinion pour toutes les études universitaires en sciences sociales, ceci dit.

Je pense avoir fait le tour de la question. Tu peux me contacter si tu hésites à te lancer dans l’aventure ! 🚀

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